mardi 13 septembre 2016

36. Retour chez le Basque.

Ah, il est revenu le Jean Christophe, et cela se sait dans le quartier. Il y a foule et le bruit qui vient du bar s’entend jusque sur la presqu’île, de l'autre coté du Rhône. Je suis surpris en m'approchant de ne pas être arrêté par des barrières et des flics triant la clientèle. Parce que question clientèle, c'est un top : Tout les fidèles de « Chez Roger » sont là et il faut bien reconnaître qu'il m'est au premier regard difficile de les reconnaître, tant ils sont avinés. C'est la beuverie ultime. On dirait qu'ils ont eu tellement peur de perdre ce lieu de débauche qu'ils se pressent aujourd'hui dans la crainte de perdre définitivement ce bar. Christophe trône hilare et bronzé derrière son comptoir. Il était où l'animal ? C'est vrai, quoi, un patron de bistrot n'a pas le droit de disparaître aussi longtemps. C'est un service public son boulot, faut pas déconner ! J'aimerais lui parler, j'ai tant de questions à lui poser. Je n'ai pas oublier la petite remarque de Claire Dupuy parlant du rôle de Christophe dans la disparition de Jonas et de son père. Mais, ce n'est pas le moment, ni le lieu. Je prend un verre, en renverse la moitié, tant les potes bourrés bougent en tout sens en parlant :

  • Martin, me gueule Michel, on va régler cette affaire rapido, parce que j'ai d'autres projets.
Comme je regarde mon pote sans comprendre, il me désigne une jeune femme ravissante assisse prudemment sur une banquette, un air apeuré sur son jolie minois.
Je n'insiste pas, puisque j’aperçois Joël affalé sur une banquette au fond du bar. Il n'a pas l'air très frais, lui non plus, pourtant je m'installe auprès de lui :
  • Alors vieux, et le boulot ?
Il me jette un regard flou. On dirait qu'il cherche à savoir qui lui parle, puis m'ayant apparemment reconnu il hausse les épaules. Le mouvement un peu trop brutal l’entraîne sur le coté et je dois le rattraper à la volée.
  • Reste avec nous, vieux soldat. Et je répète, la bouche collée à son oreille :
  • Et le boulot ?
J'ai d'abord le sentiment qu'il dort, mais non, il entame toute une série de borborygmes dignes d'un Paulo au sommet de sa forme. Après de longues minutes de décryptage, j'arrive à deviner qu'il me parle d'une étude de tous les documents en notre faveur.
  • Tu n'es pas allé sur le terrain ? Tu as gardé ton gros cul dans ton fauteuil, c'est ça ?
Il va répondre, mais je n'ai pas le temps d'écouter ses pauvres justifications et reviens vers Michel qui me rabroue :
  • Laisse les gars tranquille, ils ont bien bossé et en relisant tous les entretiens ils ont trouvé pas mal de trucs intéressants.
  • Comme quoi, par exemple ?
Mais il s'est déjà retourné vers sa jeune proie, me signifiant sans ambiguïté à quel point je l'emmerde. Je torche mon verre et après un signe à Christophe, je m'arrache pour rejoindre les beaux quartiers. Je n'ai pas fait trois mètres, que je tombe sur Arobase qui arrive la bouche en cœur. Il a le sourire, certainement à l'idée de rejoindre tous ses potes bourrés au bar, mais je l’attrape par le bras, l'obligeant à faire demi-tour :
  • T'es en voiture ? On va chez Claire.
Je ne sais si c'est le demi-tour ou la question et l'ordre, ou le mélange des trois, mais le voilà qui bêle :
  • Mais, mais...
Je ne le laisse pas réfléchir et l’entraîne pour aller chez Claire. J'ai envie de parler avec cette femme. Parler de son père, de son frère, mais surtout de Paul Rigaux, le bijoutier qu'elle connaît bien, apparemment. J'aime bien me moquer d'Arobase, mais je dois avouer qu'il est très pro. Passé quelques secondes de contrariété, il retrouve sa bonne humeur et son efficacité. Il a évité toutes les zones à bouchons et en enfilant les petites rues nous à amené à bon port en quelques minutes. Pendant le voyage il me raconte le résultat de ses recherches.
  • J'ai analysé tous les documents, vérifié les noms, les dates et c'est marrant que tu me demandes de t'accompagner. J'avais l'intention de passer interroger Claire, moi aussi. Elle m'intrigue cette femme. Tu la soupçonnes ?
Je regarde défiler les rues de Lyon. Il roule trop vite mon pote. Il passe trop près des voitures, il me semble.
  • Tu la soupçonnes ?
Je réalise soudain qu'il me parle depuis un moment et que je ne l'ai pas écouté.
  • Pourquoi tu me demandes cela ?
Il ne quitte pas la route des yeux :
  • Parce qu'en lisant toutes ces notes et tous ces interrogatoires, c'est elle qui m'apparaissait la plus troublante. Son rôle m'intrigue.
  • Comment cela ?
  • Pourquoi nous avoir embauché nous ?
  • Parce que l'on est les meilleurs, évidemment !!!
Pour le coup, il quitte la route des yeux et j'ai un moment de frayeur :
  • Michel a bien raison, tu en pinces pour cette gonzesse.
Il arrête la voiture en bas de chez Claire en même temps qu'il m'assène ce coup de massue. Je le regarde, content de lui, content de m'avoir humilié. Je n'ai même pas envie de lui claquer le beignet comme il le mérite.
  • Michel se trompe. Cette femme me fascine, mais je sais faire la part des choses.
  • Ouvre les yeux, elle te ballade depuis le début.
Je préfère ne pas répondre, je serais grossier. De toute façon nous sommes devant la porte et Claire apparaît déjà. Elle est en beauté et j'espère qu'Arobase ne s'aperçoit pas de mon trouble. Ils sont cons, les potes, quand même.
  • Je vous attendais
Et voilà, d'entrée elle prend la main. Je suis déstabilisé et c'est Arobase qui sans attendre que le café nous soit servi, reprend l'initiative.
  • Pourquoi nous avoir caché votre lien intime avec monsieur Rigaux ?
Elle répond en me fixant, ignorant totalement Arobase :
  • Pourquoi en aurais-je parlé ? Ma vie privée m'appartient.
  • Écoutez-moi bien madame Dupuy, votre vie privée vient de croiser notre enquête. Et c'est en cela qu'elle nous intéresse. Vous pouvez nous éclairer. Et aujourd'hui, j'aimerais que vous nous parliez de cette relation avec monsieur Rigaux.
En disant cela, je me rends bien compte que je raconte n'importe quoi. Qu'est-ce qui me prend ? Comme elle me fixe sans répondre, j'ajoute qu'elle a tout intérêt à nous parler plutôt que de devoir se rendre à l’hôtel de police afin de répondre à une convocation.
  • Vous rigolez, qu'est-ce que j'irais foutre chez les flics ? Les flics n'ont jamais levé le petit doigt. Pour mon père ou pour mon frère, rien, ils n'ont jamais rien fait. Vous, au moins, malgré vos airs cons, vous avez fait bouger les choses.
Arobase semble choqué par ce discours ce qui me redonne le sourire.
  • Racontez-nous. Nous avons besoin de savoir.
Elle me jette un regard qui me met dans cet état qui fait rire Michel et les potes :
  • Je veux bien parler. Mais, à vous seulement.

5 commentaires:

DAN a dit…

…houla ! Est-ce bien raisonnable de laisser martin seul avec Claire ? Bon faut espérer que son côté « pro » l’emporte sur son côté « homme »…

phyll a dit…

toujours est-il que la dernière réplique nous laisse présumer des révélations...... mais DAN a raison, Martin va-t-il pouvoir se tenir à distance ?..... nous le saurons (peut-être) au prochain numéro !!!....... (tin tin tin... suspens...)

Louis a dit…

Mes petits Havrais ! Comme tout bon retraité qui se respecte, je cours après le temps, allant de plus en plus au bistrot...et en Haute Loire !Je suis en retard pour lire les blogs amis. (heureusement que l'autre feignasse de Phyll ne publie que chaque fois qu'il lui tombe une dent... et que je n’ai que 2 lecteurs + 2 ou 3 sur Facebook)
Je pars quelques jours à Amsterdam et promis, je me mets à jour. En plus, ce soir y'a L'OL qui joue.
Je vous embrasse (ne pleure pas, Phyll, je plaisantais, tu n'es pas une feignasse)

DAN a dit…

..Phyll va te répliquer qu'il est un glandouilleur...nuance...

phyll a dit…

il me coûte de répondre car je crains de me faire une entorse digitale........
et à chacun sa spécialité: à moi la Glandouille et à toi le bistrot !!! ;o) :o)
bonne balade et à + !!